Rencontre avec Caroline Ciavaldini et Romain Desgranges, du haut d'une passion
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Il est aussi des rencontres qui donnent sens à la vie.
Caroline Ciavaldini et Romain Desgranges ont ainsi, à distance, fait une première rencontre fondamentale pour eux, celle de l'escalade.
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Alors à La Réunion où elle est née et a grandi, Caroline a d'abord continué de pratiquer parallèlement tennis et escalade, puis « tout a disparu au profit de l'escalade. D'abord deux heures le jeudi soir, puis le lundi soir, le mercredi soir... j'avais une prof. d'UNSS hyper motivée. Elle organisait même des stages d'une semaine sur son temps libre et nous a de suite amené à pratiquer de l'escalade en falaise naturelle.
Avec le recul, compte-tenu du relief de La Réunion, ce n'était pas le bonheur, mais ça a été une vraie initiation au pur bonheur ». Une passion pour l'escalade courante à La Réunion : « c'est sans doute l'un des sports les plus pratiqués sur l'île, avant même la voile que pratiquait ma grande sœur, et qui est trop chère pour nombre de Réunionnais. C'est super développé, d'ailleurs, il n'y a pas un collège qui ne soit équipé d'un mur », précise-t-elle.
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Stéphanois, Romain pensait d'abord à courir balle aux pieds. Ses parents ne souhaitaient toutefois pas en faire un footballeur de plus et il s'est d'abord mis au judo « où je me faisais battre par les filles ». En 4ème donc, son collège proposait par ailleurs des activités UNSS en badminton, volley-ball et escalade. Il opte pour cette dernière et « à partir de ce moment-là, ça a été une évidence. J'ai arrêté le judo et, dès la seconde, j'ai quitté la maison et me suis inscrit en sport-études escalade à Chamonix. Je ne pensais vraiment qu'à ça ».
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A Chamonix, Romain connait, toute proportion gardée, les mêmes tourments : « c'était très couteux de faire l'aller-retour. On se voyait tous les deux mois à peine. » Et ce choix sportif, pour une mère proviseur et un père assureur n'était pas des plus évident, d'autant qu'ils « ne faisaient pas du tout de sport ». Romain, qui ne pratique pas de sports d'hiver connait par ailleurs quelques difficultés à s'intégrer.
Il se réfugie dans l'escalade, passe son bac scientifique option biologie et s'oriente rapidement vers un métier qui lui correspond : professeur d'escalade, à Chamonix bien sûr, la Mecque.
Professeur, Caroline l'est également. Après un Bac S spécialité Math, Caroline poursuit brillamment : « Je me suis dit je suis très bonne à l'école, mes parents ont déjà suffisamment mal vécu mon choix, je ne voulais pas gâcher mon potentiel et prendre le risque de les décevoir, ni de me retrouver sans rien ». La Réunionnaise en exil passe son DEUG, sa licence, puis son agrégation en Science de la Vie et de la Terre (SVT) : « J'ai décidé de finir mes études au plus vite pour pouvoir être disponible pour l'escalade ». Professeur stagiaire de SVT à 22 ans – une orientation qui ressemble à un compromis entre le métier de sa mère, institutrice, et de son père, médecin – Caroline fait ses premiers pas dans l'enseignement à Crêtes auprès de quatrièmes et de cinquièmes. Entretemps en effet, le pôle espoir de Montpellier, dans lequel elle était restée une année, avait été absorbé par le pôle d'Aix en Provence. Mise en disponibilité, Caroline se consacre désormais pleinement à sa passion sportive. « Après, on verra, je reprendrai sans doute un mi-temps d'abord. J'aimerais tenter de concilier enseignement et activités dans le privé, peut-être auprès d'un sponsor ».
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Depuis, leur duo est extraordinaire de complicité et d'amitié, sans ambigüité. Si leurs parcours présentent des similarités, les deux grimpeurs semblent pourtant très différents. Elle est pétillante et taquine, écoute MGMT. Il apparait réservé, est fan de Goldman et surtout de Zidane : « avant 1998, j'avoue que je ne le connaissais pas, mais depuis c'est un modèle. A Kaohsiung, le simple fait d'avoir une dotation Adidas m'a donné l'impression d'être un peu comme Zizou. » Et cette passion, s'impose également à Caroline : « notre préparation mentale avant la compétition, ça a été de regarder Les Yeux dans les Bleus » évoque-t-elle, tandis que Romain concède que le livre de Zidane l'accompagne dans tous ses déplacements.
Et ceux-ci sont nombreux : « il y a une dizaine de coupes du monde dans l'année, là nous revenons d'ailleurs de Chamonix où nous avons fait 4èmes tous les deux ». Pour financer ces déplacements, et leur équipement, les ressources sont toutefois limitées : « l'escalade est un petit milieu et le système de sponsoring peu développé. Notre meilleur partenaire reste au final la fédération, qui prend notamment en charge les billets d'avions » explique Romain. Et la crise actuelle rend plus difficile encore la recherche de fonds privés. Il y a trois ans, Caroline bénéficiait du soutien de deux gros sponsors, mais « aujourd'hui, dès qu'on parle d'argent, c'est un peu la mort ». Pour Romain, la situation n'est guère plus réjouissante mais il bénéficie d'un soutien précieux, celui de la ville de Chamonix avec qui il est en contrat et qui, concrètement, lui permet de continuer la compétition dans de bonnes conditions.
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Ainsi Pascal François, leur kinésithérapeute les a-t-il initiés au Qi Qong (travail du souffle). Constatant que les Coréens et Japonais se mettaient en condition avec des « gestes un peu spaces », dixit Caroline, des positions d'étirement insolites et des pratiques d'acuponctures poussées (notamment le Ming Meng au niveau des reins et le Lao Gong au centre de la paume), afin de stimuler le cortisol, ouvrir les méridiens, faire transiter l'énergie. Corentin Legoff, leur entraineur, autre acteur incontournable au sein de cette équipe de France, les a également soumis à certaines techniques de résistance au stress pendant l'effort, les amenant notamment à rester concentrés malgré des invectives verbales amenant une pression psychologique perturbante. Ces méthodes, Romain et Caroline les ont pleinement adoptées. Leur credo l'illustre bien : « la résistance vaincra ».
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En attendant, il l'a promis : il prendra le temps de refaire un site à Caroline.